'> Fabebook: 06/17/14

mardi 17 juin 2014

Aucune Bête aussi féroce - Edward Bunker

No Beast So Fierce (1973)
Éditions : Rivages/Noir 412 pages. Mars 1992
Traduction : Traduit de l’américain par Freddy Michalski



"Question : le grand roman des bas-fonds de L. A. ? Réponse : Aucune bête aussi féroce d'Edward Bunker. Si le jugement ne manque pas d'arguments, il peut se discuter. Mais c'est incontestablement, par sa précision et sa rigueur du détail, le meilleur livre jamais écrit sur le thème du vol à main armée - une activité criminelle à l'image surfaite et trompeuse dont les ouvrages de fiction font habituellement leurs choux gras. Quant a l'analyse qu'il nous offre de la psychopathologie criminelle, elle place le roman au rang du génie du mal, de "De sang-froid" et du "Chant du bourreau". Ce roman est d'une originalité absolue - un chef-d'œuvre noir resté négligé. Dernière minute : méfiez-vous ! Là où il vous emmène, vous ne sortirez pas intact de votre rencontre avec Max Dembo." (James Ellroy)




Mon avis :
Max Dembo dans le roman quasi autobiographique d'Edward Bunker est un multi récidiviste. Un gars qui depuis son enfance est ballotté de familles d’accueils en maisons de redressements pour aboutir en prison où il côtoie les grands criminels et se débrouille parfaitement bien pour se faire une place respectée.
En lisant ce roman on ne peut s'empêcher de penser à la vie d'Edward Bunker. Une vie passée derrière les barreaux, 18 ans quand même ...!

Max Dembo libéré en conditionnelle sort avec la ferme intention de rentrer dans les rangs. Mais .. le système judiciaire américain n'est pas un monde de bisounours.
Rosenthal, son contrôleur lui tient beaucoup trop la bride et Max craque. Entre les humiliations, l'absence totale de chance de trouver un job et sa bonne volonté qui s'épuise il brise son "contrat" de conditionnelle et retourne dans l'anonymat, dans le seul monde qu'il connait et où il peut maitriser les événements.

"Mais ce n’est pas parce que je préfère coucher avec une prostituée que je vais me mettre à attaquer un coffre au chalumeau à acétylène.
— Cela signifie que vous voulez la permission de vous conduire en maquereau.
— Non ! Non ! Je veux simplement que vous compreniez qu’on ne peut pas réduire les gens à des formules.
Je m’arrêtai pour reprendre haleine et sélectionner des expressions intelligibles parmi le tourbillon de pensées stupéfiantes qui me tournaient dans le crâne.
— L’essence même de ce que je demande, c’est que vous ne fassiez pas de cette conditionnelle une laisse qui m’étrangle.
— L’essence même de ce que vous voulez, c’est de faire ce que vous avez envie de faire, exact ?
Mon estomac sombra. Rosenthal était impassible. J’avais essayé. Des rigoles de sueur me coulaient sur la poitrine. Une pensée affreuse monta en moi comme un geyser. Et si Rosenthal avait raison ? Et si la voie du bonheur et de la paix intérieure, c’était de suivre les règles aveuglément ? Etait-il possible qu’une personne seule, avec toutes ses certitudes, pût avoir raison ? Peut-être que Rosenthal avait vu clair en moi, alors même que je m’aveuglais de paroles. Penser en ces termes, c’était comme de mettre le pied au-dessus de l’abîme. Je reculai jusqu’à la terre ferme de mes indignations cachées. J’avais essayé de me montrer honnête alors qu’on ne pouvait pas faire confiance à cet enfoiré. Dorénavant, c’est de ruse et de tromperie que j’allais me servir."

Max a besoin de tune et monte des coups, il recommence tout en sachant très bien quelles sont les seules issues possible.
Dans ce roman c'est le système carcéral américain qui est dénoncé avec beaucoup de force,  les contacts entre détenus,  les vraies et fausses amitiés à l'extérieur,  surtout quand on est en cavale ...
Mais aussi la difficulté de se réinsérer dans la société pour un ancien taulard.

Ce roman est empreint de réalité,  c'est pas du cinoche
Et bien loin des clichés utilisés de trop nombreuses fois.
C'est d'une écriture noire et sublime qu'Edward Bunker nous fait vivre la cavale de Max Dembo, ben c'est normal puisque c'est ce qu'il a vécu !
Adapté au cinéma par Ulu Grosbard et peu encensé par la critique il en est sorti "Le récidiviste"  interprété entre autre par Dustin Hoffman en 1978.

Je ne m'étalerai pas plus sur le contenu du roman. IL FAUT LE LIRE !
Mais je vais lire les deux autres : La Bête contre les murs et La Bête au ventre. Suivi sans doute de son autobiographie : L'Éducation d'un malfrat.
Que de bonnes lectures en perspective !

Fabe

"Edward Bunker (1933-2005) connut des années de prison avant de se voir publier. Il est l'auteur de la célèbre "Trilogie de la Bête" Sa réflexion sur l'univers carcéral, la discrimination raciale et la peine de mort, encore appliquée par trente-cinq Etats, demeure d'une grande actualité.
Il a joué des rôles secondaires dans certains films, notamment Le Récidiviste, avec Dustin Hoffman inspiré de son roman Aucune bête aussi féroce, et Reservoir Dogs, de Quentin Tarantino."