'> Fabebook: 02/01/14

samedi 1 février 2014

1974 - David Peace

Collection : Rivages/Noir | Poche  | 416 pages.  | Paru en : Avril 2004

Quartet du Yorkshire 1

Après Jeanette Garland et Susan Ridyard, la jeune Clare Kemplay vient de disparaître sur le chemin de l’école. Son cadavre sera bientôt retrouvé dans une tranchée sur un chantier. Nous sommes en 1974, dans la région de Leeds. Noël approche. Edward Dunford, reporter à l’Evening Post, est encore un néophyte qui fait ses premières armes dans l’ombre du journaliste vedette de la rédaction, Jack Whitehead. Au volant de la vieille voiture de son père, il sillonne les routes de l’Ouest du Yorkshire à la recherche d’indices susceptibles d’éclairer les meurtres de ces trois fillettes. Au début, il croit seulement chasser le scoop, mais plus il enquête, plus il découvre que bien des choses sont pourries au royaume du Yorkshire : policiers corrompus, entrepreneurs véreux, élus complices…
Depuis ce premier volume de la tétralogie que David Peace a consacrée au Yorkshire, la réputation de l’auteur n’a cessé de grandir. Dès la parution de 1974, la presse avait été quasi-unanime : « On ne saurait échapper à la musique d’une telle douleur », lisait-on dans le New York Times, tandis que Michel Abescat parlait dans Télérama d’un « requiem bouleversant d’humanité et de compassion ».

Mon avis :
Ce n'est pas un livre facile à lire ...  il m'a fallu quelques jours pour assimiler, récupérer de cette lecture.
Les 75 premières pages sont angoissantes, écrites à la hache et difficile à comprendre tant l'auteur ne nous laisse pas de temps à la rêverie.
Attention quand je dis que l'auteur ne nous laisse pas de temps à la rêverie je ne veux pas dire que c'est un tourne-pages, j’entends par là que, de par son style d'écriture, David Peace nous retient dans son ambiance hachée tantôt en délire tantôt en pleine action mais toujours sombre.
Je vous avoue que j'ai failli passer à autre chose, abandonner cette histoire dingue à la limite de l'incompréhensible.

Passé cette étape l'ambiance est installée et il devient plus aisé de suivre l'histoire de ce reporter dans l'Angleterre 1974, plus précisément dans le Yorkshire dans la région de Leeds.
Edward Dunford surnommé "Scoop" est reporter pour le Evening Post, il a eût son heure de gloire avec l'affaire du "Dératiseur".  Alcoolique, d'un tempérament sombre et dépressif il aime les femmes mais personne en particulier sauf "peut-être" sa mère.

Lorsque une petite fille, Clare Kemplay disparaît, le journal donne l'affaire à son collègue, Jack Whitehead que Dunford déteste, et puis de toute façon il déteste tout le monde.
Il décide, car il ne peut s'en empêcher, d'enquêter sur cette disparition et il va trouver des liens avec deux autres disparitions de fillettes.
La petite Clare Kemplay est retrouvée assassinée, horriblement mutilée, on lui a mis des ailes de cygnes dans son dos, grossièrement accrochées sous sa peau. Ses souffrances ont dû être insoutenables. Le quartier est en colère, un coupable est désigné mais ... c'est trop facile, ce n'est pas lui l'auteur de ce crime atroce. Cela le lecteur s'en rend compte, d'ailleurs l'auteur ne nous le cache pas, c'est plutôt cette corruption de tous les niveaux qui nous est servie par David Peace.

Ses investigations vont le mener petit à petit, pas à pas chez chaque intervenants mais ce livre est aussi et peut-être surtout une description du pouvoir des uns et des autres, du pouvoir politique de l'argent, de la pauvreté des ouvriers, des coups foireux de la presse, d'une police corrompue violente et raciste qui n'hésite pas à incendier un camp de Gitans et à frapper à mort les gens qui les dérangent.
Personne n'est à l'abri du sordide, de cette violence omniprésente. Les femmes non plus, elles y sont décrites prêtes à tout pour obtenir ce qu'elles veulent.
Au fur à mesure de son enquête il va être la cible à éliminer et il va subir la violence des flics, une violence hors norme.
Au niveau de l'enquête tout va très vite, l'auteur ne perd pas de temps, au point qu'il m'a parfois été difficile de suivre. Les délires paranoïaques de Edward Dunford n'aident pas mais c'est la façon d'écrire de Peace et tout compte fait c'est très bien.

Faut juste ne pas être dépressif pour lire 1974. Il me faudra un petit temps et quelques "légèretés" à lire avant de passer au suivant de ce Quatuor du Yorkshire, "1977".
La fin est tout aussi violente et angoissante et je ne suis pas déçue d'avoir eût le courage de dépasser mes à-priori.
Si vous savez, vous aussi aller au delà de vos premières impressions, allez-y, lisez ce livre !
Fabe

Je m’arrêtai vite sur le bas-côté, feux de détresse allumés, pensant : toute cette putain de ville de Leeds doit voir ça.
Je saisis mon bloc et me précipitai hors de la voiture, escaladai le talus qui bordait l’autoroute, rampai, dans la boue et parmi les buissons, en direction des flammes et du bruit ; le bruit : moteurs emballés et martèlement tonitruant, incessant, monotone, du battement de la mesure du temps.
Au sommet du talus de l’autoroute, je me dressai sur les coudes et, à plat ventre, fixai l’enfer. En bas, dans la cuvette de Hunslet Carr, à cinq cents mètres de moi, se trouvait mon Angleterre, au matin du dimanche 15 décembre de l’an de grâce 1974, apparemment rajeunie de mille ans, mais pas meilleure pour autant.
Un campement gitan en feu, la vingtaine de caravanes et de camping-cars en flammes, tous irrécupérables ; le campement gitan de Hunslet, que je voyais du coin de l’œil chaque fois que j’allais au travail, à présent une immense cuvette de feu et de haine.