'> Fabebook: février 2014

dimanche 23 février 2014

Le Diable, tout le temps - Donald Ray Pollock

369 pages Editeur : ALBIN MICHEL (29 février 2012)Collection : Terres d'Amérique






De l'Ohio à la Virginie-Occidentale, de 1945 à 1965, des destins se mêlent et s'entrechoquent : un rescapé de l'enfer du Pacifique, traumatisé et prêt à tout pour sauver sa femme malade ; un couple qui joue à piéger les auto-stoppeurs ; un prédicateur et un musicien en fauteuil roulant qui vont de ville en ville, fuyant la loi…








Mon avis :
L'histoire commence à la fin des années 40 avec le retour aux États-Unis de Willard Russel combattant dans le pacifique. Il rentre perturbé par la guerre, traumatisé par les actes commis et sur le chemin du retour, lors d'une halte pour se restaurer, il décide qu'il épousera la serveuse, fille dont il ne connait même pas le prénom. Pour lui c'est une évidence !
Les faits se passent dans plusieurs états d'Amérique, Ohio, Tennesse, Virginie occidentale, etc ... et il est aussi question de l'histoire de plusieurs personnes toutes aussi sombres les unes que les autres.
Pollock signe là un livre parfait, il commence à nous raconter l'histoire de Willard puis glisse avec brio sur le fils de celui-ci, Arvin qui subit les humeurs sombres de son père et qui se voit obligé de prier des nuits entières dans des conditions très dures, très lugubres, au pied d'un autel improvisé au détour d'un sentier forestier. Autel que Willard a érigé et auprès duquel il confie toute la noirceur de son âme mais aussi une supplication pour la guérison improbable de sa femme gravement malade.

D'autres personnages entre dans l'histoire comme Carl et Sandy, un couple étrange qui sillonne le pays et embarque des auto-stoppeurs en cours de route et ceci à des fins abominables.
Roy, prédicateur à ses heures vit auprès de Théodore qui gratte sa guitare, assis sur sa chaise roulante, au son et tempo des prêches de Roy.
Ils parcourent les routes pour fuir la justice, vivant de larcins quand ils ne sont pas engagés par un cirque, circulant en caravane à travers tous les états.

Et enfin ce livre parle de religion, de ceux qui la Bible en main commettent les pires atrocités. De ceux qui sont submergé par la lecture des évangiles et qui subissent.
Mais aussi et surtout de ceux qui ont trouvé le pouvoir de manipuler les autres aux noms des Écritures et qui emploient ce pouvoir pour faire subir aux plus faibles leur horrible perversité.

Les histoires de chacun des personnages se recoupent, se mêlent et se démêlent au fur et à mesure de son avancement vers l'épilogue.
Et si on sent venir la fin, le dénouement de ce livre est dans le même ton que tout ce qui précède : prenant, époustouflant, d'une ambiance noire à souhait pour ceux qui aiment ça (comme moi).

Le Diable, tout le temps ...
Si on aime le noir on ne pourra qu'apprécier tout le talent de Donald Ray Pollock dans ce livre poignant et cette écriture sans concessions sur l'âme humaine.
C'est un livre dont je suis certaine de ne jamais oublier les détails mais aussi et surtout l'ambiance qu'il y règne du début à la fin.

En effet, je m'étais fait une réflexion sur une bonne partie du livre ; je pensais et je ressentais l'ambiance du film "La nuit du chasseur". Vous vous rappelez je suis sûre de ce film noir avec Robert Mitchum. (ça ma fait penser que je lirais bien le livre).

Question fatidique : Vous conseillerais-je ce livre ? Oui, un énoooooorme OUI, si vous aimez le noir bien-sûr !

Fabe


mercredi 19 février 2014

Le Foyer - Scott Nicholson

Haunted Computer Productions Inc – 27 Août 2013 – 400 pages – Catégorie : Fantastique-Epouvante

Les chroniques de MarcSupilami



Lorsque Freeman Mills, un garçon âgé de douze ans, arrive à Wendover – un foyer de groupe pour enfants perturbés –, c’est une chance qui s’offre à lui pour un nouveau départ. Mais les secondes chances ne sont pas faciles pour Freeman, victime d’expériences infantiles douloureuses qui lui ont donné la capacité de lire dans les esprits des autres. À Wendover, Freeman et les autres enfants sont les sujets d’autres expériences secrètes, mises sur pied par une organisation obscure appelée La Confiance. Mais ces expériences font davantage que faire éclore des pouvoirs de clairvoyance : les champs électromagnétiques utilisés au cours de ces expériences réveillent les fantômes des patients qui sont morts à Wendover, lorsque l’endroit était encore un hôpital psychiatrique.




L'avis de MarcSupilami :
Le foyer de Wendover est annoncé comme celui de la dernière chance pour ces jeunes enfants passés par tous les stades de la réinsertion, depuis la maison de correction jusqu'à la famille d'accueil, sans résultats probants. A Wendover c'est l'amour de Dieu qui pourra sauver ces âmes perdues. C'est du moins ce qu'annonce fièrement le directeur, Monsieur Francis Bondurant, qui ne manque jamais une occasion de prêcher la bonne parole, y compris à l'aide de son bâton en bois destiné à caresser les fesses des indisciplinés – surtout celles des petites filles ! – (Si le message n'entre pas par le haut, la tentative de ce cher monsieur d'essayer par le bas est certainement louable !)
Mais le foyer de Wendover n'est pas un foyer comme les autres à plus d'un titre. Une mystérieuse équipe de médecins administre des traitements très spéciaux à leurs pensionnaires, tout particulièrement dans la chambre 13 au sous-sol. Ces expériences permettent d'entrer en communication avec… des fantômes ! (Je sais, vous allez me dire… ENCORE. Eh oui, mais je ne l'ai pas fait exprès, promis, juré. Je dois les attirer en ce moment ceux-là. Tiens… peut-être suis-je moi-même un fantôme !!)

Par contre, ces fantômes là n'ont rien à voir avec le gentil Gasper. Ils sont plutôt gores, surtout la femme miracle (Oui, oui, ça existe des fantômes femelles) qui s'est arrachée les yeux et les garde bien à l'abri dans les paumes de ses mains. (De quoi trembler, non ? Vous imaginez… elle s'approche de vous et veut… vous serrer la main !) Je passe les différentes aventures, ou plutôt mésaventures de nos jeunes protégés pour vous laisser l'envie de lire le livre (ou pas !).

Freeman tira la couverture sur sa tête, la rayonne institutionnelle lui grattant la joue. Il sentit l’odeur de ses propres pieds. Demain, il devra se doucher, se mettre nu devant Deke et son Escadron de Voyous. Non, minute. Freeman écarta la couverture et guetta la rangée de lits. Deke était toujours absent. Il n’était jamais revenu du sous-sol. Isaac siffla à nouveau. Freeman s’allongea sur le dos et regarda en haut. La faible lumière bleue de sécurité près de la porte donnait au plafond l’aspect d’une nuit sans étoiles avec la lune quelque part au-dessus de l’horizon. Ou peut-être que c’était la surface de l’océan et ils étaient noyés. Cela n’avait vraiment aucune importance qu’ils fussent morts ou non. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y avait aucune issue.


Tout ce que je peux vous dévoiler, c'est qu'à la fin de l'histoire vous connaîtrez enfin… le terrible secret de Freeman ! Une histoire bien sympathique, à condition d'être copain avec les spectres bien sûr. Pas forcément des plus originales, mais plutôt bien écrite. Quelques longueurs toutefois avec des explications techniques sur le fonctionnement du cerveau, des maladies qui peuvent l'atteindre, ainsi que des traitements qui peuvent le soigner, cassent un peu le rythme de l'histoire et sont quelque peu rébarbatives pour des non-initiés comme moi (même si, étant petit, je jouais parfois au docteur avec mes copines !).

A relever également de nombreuses références à des acteurs de cinéma et à des films dont Clint Eastwood est le héro (car le petit Freeman se prend pour Clint) qui finissent par être pesantes (Si vous chercher la filmographie de Clint Eastwood, je vous conseille ce livre). Fort heureusement, Scott Nicholson décide de se lâcher dans la dernière partie du livre en nous balançant des pages explosives à l'instar du bouquet final d'un feu d'artifice. Une alliée inattendue va provoquer une accélération des événements avec son lot d'horreur et de violence.
Les "gentils" vont-ils gagner ? Mais au fait… qui sont les "gentils" ? (Vous me suivez toujours là ?)

Quoi qu'il en soit, j'ai passé un bon moment de lecture, plongé dans les caves du Foyer de Wendover.
Si vous êtes adeptes des gros frissons et d'une bonne dose d'épouvante, attachez vos ceintures, mettez le casque sur la tête, les écouteurs dans les oreilles (musique douce de préférence) et surtout… ne lisez pas avant de vous endormir… l'impasse des morts n'est jamais très loin. Vous êtes prévenus !

Amen

Marc Supilami













samedi 15 février 2014

Dossier 64 - Jussi Adler-Olsen

Dossier 64 est le 4ème tome de la série du Département V avec l inspecteur Carl Mørck.
608 pages Éditeur : ALBIN MICHEL (3 janvier 2014)



A la fin des années 80, quatre personnes disparaissent mystérieusement en l espace de quelques jours. Jamais élucidée, l affaire se retrouve sur le bureau du Département V. Carl Mørck et ses improbables assistants, le réfugié syrien Assad et la pétillante Rose, ne tardent pas à remonter jusqu aux années 50 où s ouvre un sombre chapitre de l histoire danoise : sur la petite île de Sprögo, des femmes sont internées et stérilisées de force sous la direction du docteur Curt Wad, obsédé par l idée d un peuple « pur ». L une d elle, patiente n°64, est Nete Hermansen...Plongé dans une terrible histoire de vengeance, Mørck enquête cette fois dans le milieu politique opaque d une société danoise où l influence des extrêmes se fait sentir.





Mon avis :
J'avais lu les 3 premières enquêtes du département V avec beaucoup de plaisir donc j'ai abordé celui-ci bien installée, sachant que j'abordais un livre qui allait me plaire.
C'est un cold-case des années 80 parfaitement sordide sur lequel Carl Mørck et son équipe ont décidé d'enquêter. Une première disparition d'une prostituée non suicidaire et dont les affaires étaient en plein essor donne le départ à la découverte d'un complot inimaginable.
Toujours aussi plaisant à lire, cette enquête du département V ne s'essouffle pas en regard des 3 précédents volumes. On peut tout aussi bien lire celui-ci indépendamment des autres.
Ce sont des enquêtes bouclées, l'auteur clôture bien chaque histoires pour mon plus grand plaisir.

Revenons à nos moutons ;
D'une part il y a la nouvelle enquête "affaire non classée" que débute l'équipe de Carl Mørck, cette équipe toujours composée de  ces trois personnages sympathique mais un peu spéciaux ..
Il y a Rose quand ce n'est pas son alter-ego Yrsa qui la remplace et il y a aussi Assad, toujours aussi doué mais tout aussi énigmatique.
Au delà de cette enquête l'auteur nous inclus l'histoire de Nete Hermansen en chapitre interposé. L'histoire de Nete se situe entre 1955 et 1961.
Comme vous l'aurez compris ce sont deux histoires qui se télescopent et s'imbriquent l'une dans l'autre.
Du côté de Nete l'auteur nous compte son histoire au fur et à mesure ... enfermée sur l'ile de Sprogø dans son adolescence là où on déportait les femmes pour leur faire subir des avortements abusifs et stérilisations forcées. Nete est une fille intelligente même si tous pensent le contraire.
Ce qui lui arrive défie l'entendement et je vous laisse le découvrir ...

Le personnage le plus sordide de cette histoire est toujours en activité, Curt Wad médecin et manipulateur œuvre en politique pour, entre autre, une race pure et dépourvue de "parasites". Tous les moyens sont bons pour arriver au pouvoir.

Ils étaient parvenus au vestiaire quand la voix de Curt Wad s’éleva à nouveau derrière eux :
« Vous ignoriez, monsieur Rosen, que votre femme était une putain ? Une pauvre arriérée qui vient de l’asile de Sprogø et qui se fout de savoir pour qui elle écarte les cuisses. Vous ignoriez que son cerveau débile ne fait pas la différence entre le bien et le mal et que… »

Carl Mørck va mener cette enquête contre vents et marées. Il va devoir aussi payer de sa personne.
Jussi Adler-Olsen a réussi avec brio cette quatrième enquête du département V et je ne me suis pas lassée une seule minute, pas de lecture en diagonale non plus.
La résolution de l'enquête dont le lecteur pense connaître l'issue adopte une pirouette tout à fait imprévisible (pour moi en tous les cas).
Une fin cohérente même si un petit peu alambiquée, une pirouette réussie .. de justesse.

Un livre que je vous conseille ? - Oui, c'est un bon livre policier dont je lirai certainement le suivant.
Fabe

dimanche 9 février 2014

Scintillation - John Burnside

Edition Métailié – 25 Août 2011 – 288 pages – Catégorie : Thrillers

 Les chroniques de MarcSupilami


Résumé :

Dans un paysage dominé par une usine chimique abandonnée, au milieu de bois empoisonnés, l'Intraville, aux immeubles hantés de bandes d’enfants sauvages, aux adultes malades ou lâches, est devenue un modèle d’enfer contemporain. Année après année, dans l’indifférence générale, des écoliers disparaissent près de la vieille usine. Ils sont considérés par la police comme des fugueurs. Leonard et ses amis vivent là dans un état de terreur latente et de fascination pour la violence. Pourtant Leonard déclare que, si on veut rester en vie, ce qui est difficile dans l'Intraville, il faut aimer quelque chose. Il est plein d’espoir et de passion, il aime les livres et les filles.





Une vieille femme m’a arrêté une fois que j’avais pris la West Side Road en direction de la plage. Elle était en voiture et s’est rangée juste à côté de moi pour me demander si je voulais faire un petit tour. Je ne l’avais jamais vue, ni elle ni sa voiture, chose surprenante étant donné qu’on ne croise guère de touristes sur la West Side Road. Je lui ai donc demandé ce qu’elle entendait par là et elle a répondu qu’elle me donnerait un billet de dix si je la laissais me sucer. Franchement, je ne savais pas trop. Elle était plutôt vieille, et pas belle du tout ; d’ailleurs elle avait davantage l’air d’un mec que d’une femme, avec des tonnes de maquillage et du rouge à lèvres foncé. Mais bon, je me suis dis que dix livres c’est dix livres. Alors je suis monté dans la voiture et elle m’a conduit jusqu’à la plage, où j’allais de toute façon. Ça n’a pas duré très longtemps, et elle a eu l’air assez contente. Elle m’a dit que j’étais un gentil garçon et elle m’a donné les dix livres.

L'avis de MarcSupilami :
Ancien veilleur de nuit, John MORRISON n'a vraiment rien d'un policier. Peureux, indécis, timide, ne sachant pas prendre ses responsabilités, il a pourtant été parachuté agent de police de l'Extraville après le décès de son prédécesseur.
Comme sa femme Alice passe ses journées à picoler, regarder la télé et dormir, son principal plaisir consiste à cultiver un lopin de terre perdu au beau milieu de la forêt empoisonnée et caché de la vue des voyous de l'Intraville (Vous l'aurez deviné, l'auteur a préféré donner un nom poétique à ce que nous appelons habituellement "les quartiers riches" et "la zone").

Morrison pensant que son rôle se cantonnerait à être un simple vigile en uniforme au sein de la population va vite déchanter. Les problèmes ne tardent pas à se présenter.
L'Intraville semble atteinte d'un mal étrange.

Les jeunes disparaissent les uns après les autres, sans laisser de trace. Les partisans de la version optimiste pensent qu'ils sont tout simplement partis tenter leur chance ailleurs. Les adeptes de la version pessimiste croient plutôt à des meurtres crapuleux.
Mais… QUI les a tués ? OU sont les corps ? MORRISON a choisi son camp… celui de se taire. Car il sait, LUI. Il était là lors de la première disparition. Il a tout vu… ou presque ! Il sait… certaines choses ! Mais il ne peut pas parler ! (Mon statut de chroniqueur m'empêche également de vous en dire plus. Eh si !) Mais MORRISON est tenu au silence.
Par QUI ? Et POURQUOI ? (Même commentaire que ci-dessus. Hé, hé, je sais… ça éneeerve ! ) Parmi les jeunes de l'Intraville, un certain Léonard Wilson est persuadé qu'il ne peut s'agir que de crimes ou d'enlèvements et décide de faire sa propre enquête. Atypique lui aussi, Léonard est un solitaire qui plutôt que de traîner dans les rues avec les autres enfants de l'Intraville préfère se rendre à la bibliothèque de l'Extraville pour y emprunter des livres de Marcel Proust et Herman Melville. Ses pérégrinations vous feront découvrir des lieux et des personnages étranges tels que : - La mystérieuse usine chimique désaffectée qui trône au milieu d'une zone abandonnée - La bande à Jimmy qui entraîne Léonard dans une chasse un peu spéciale au milieu des décombres - La petite Eddie (elle a tapé dans l'œil de Léonard) qui a attrapé un monstre lunaire - L'étrange homme papillon et ses mixtures planantes, dont le rôle est… euh… et bien… comment dire ??
Bon allez… je sors un nouveau joker du chroniqueur ! - Une machine inconnue qui permet d'ouvrir une porte ! Mais une porte qui donne sur quoi ?? (Eh oui les amis ! Encore un joker ! Je sais, ça fait beaucoup, mais c'est moi qui chronique donc c'est moi qui décide où je les place. Na ! )

Je vous fais grâce des nombreuses galipettes qui émaillent les aventures du jeune homme. Sans doute est ce là ce que l'on appelle "le repos du guerrier" (Là je n'utilise pas de joker, vous savez que je ne m'étale jamais de trop sur ces sujets là !)

John BURNSIDE est également un maître des envolées littéraires, souvent moralisatrices, ainsi que des phrases à rallonge jalonnées par une vingtaine de virgules. (Si vous faites de la lecture à haute voix pour une personne mal voyante, n'oubliez pas de prendre votre souffle après chaque point. J'ai essayé, ce n'est pas évident du tout, d'autant que l'on ne sait jamais à l'avance si l'on va tomber sur une phrase fleuve !) Un roman qui démarre doucement mais qui s'emballe dès que le décor est planté. Le suspens va crescendo et le fin mot de l'histoire n'est connu que dans les toutes dernières pages du livre. Une fin totalement inattendue, qui m'a néanmoins laissé un peu… perplexe ! Un livre hautement conseillé à mes amis lecteurs. Un bon moment à passer avec une superbe histoire qui sort des sentiers battus.
Marc Supilami

samedi 1 février 2014

1974 - David Peace

Collection : Rivages/Noir | Poche  | 416 pages.  | Paru en : Avril 2004

Quartet du Yorkshire 1

Après Jeanette Garland et Susan Ridyard, la jeune Clare Kemplay vient de disparaître sur le chemin de l’école. Son cadavre sera bientôt retrouvé dans une tranchée sur un chantier. Nous sommes en 1974, dans la région de Leeds. Noël approche. Edward Dunford, reporter à l’Evening Post, est encore un néophyte qui fait ses premières armes dans l’ombre du journaliste vedette de la rédaction, Jack Whitehead. Au volant de la vieille voiture de son père, il sillonne les routes de l’Ouest du Yorkshire à la recherche d’indices susceptibles d’éclairer les meurtres de ces trois fillettes. Au début, il croit seulement chasser le scoop, mais plus il enquête, plus il découvre que bien des choses sont pourries au royaume du Yorkshire : policiers corrompus, entrepreneurs véreux, élus complices…
Depuis ce premier volume de la tétralogie que David Peace a consacrée au Yorkshire, la réputation de l’auteur n’a cessé de grandir. Dès la parution de 1974, la presse avait été quasi-unanime : « On ne saurait échapper à la musique d’une telle douleur », lisait-on dans le New York Times, tandis que Michel Abescat parlait dans Télérama d’un « requiem bouleversant d’humanité et de compassion ».

Mon avis :
Ce n'est pas un livre facile à lire ...  il m'a fallu quelques jours pour assimiler, récupérer de cette lecture.
Les 75 premières pages sont angoissantes, écrites à la hache et difficile à comprendre tant l'auteur ne nous laisse pas de temps à la rêverie.
Attention quand je dis que l'auteur ne nous laisse pas de temps à la rêverie je ne veux pas dire que c'est un tourne-pages, j’entends par là que, de par son style d'écriture, David Peace nous retient dans son ambiance hachée tantôt en délire tantôt en pleine action mais toujours sombre.
Je vous avoue que j'ai failli passer à autre chose, abandonner cette histoire dingue à la limite de l'incompréhensible.

Passé cette étape l'ambiance est installée et il devient plus aisé de suivre l'histoire de ce reporter dans l'Angleterre 1974, plus précisément dans le Yorkshire dans la région de Leeds.
Edward Dunford surnommé "Scoop" est reporter pour le Evening Post, il a eût son heure de gloire avec l'affaire du "Dératiseur".  Alcoolique, d'un tempérament sombre et dépressif il aime les femmes mais personne en particulier sauf "peut-être" sa mère.

Lorsque une petite fille, Clare Kemplay disparaît, le journal donne l'affaire à son collègue, Jack Whitehead que Dunford déteste, et puis de toute façon il déteste tout le monde.
Il décide, car il ne peut s'en empêcher, d'enquêter sur cette disparition et il va trouver des liens avec deux autres disparitions de fillettes.
La petite Clare Kemplay est retrouvée assassinée, horriblement mutilée, on lui a mis des ailes de cygnes dans son dos, grossièrement accrochées sous sa peau. Ses souffrances ont dû être insoutenables. Le quartier est en colère, un coupable est désigné mais ... c'est trop facile, ce n'est pas lui l'auteur de ce crime atroce. Cela le lecteur s'en rend compte, d'ailleurs l'auteur ne nous le cache pas, c'est plutôt cette corruption de tous les niveaux qui nous est servie par David Peace.

Ses investigations vont le mener petit à petit, pas à pas chez chaque intervenants mais ce livre est aussi et peut-être surtout une description du pouvoir des uns et des autres, du pouvoir politique de l'argent, de la pauvreté des ouvriers, des coups foireux de la presse, d'une police corrompue violente et raciste qui n'hésite pas à incendier un camp de Gitans et à frapper à mort les gens qui les dérangent.
Personne n'est à l'abri du sordide, de cette violence omniprésente. Les femmes non plus, elles y sont décrites prêtes à tout pour obtenir ce qu'elles veulent.
Au fur à mesure de son enquête il va être la cible à éliminer et il va subir la violence des flics, une violence hors norme.
Au niveau de l'enquête tout va très vite, l'auteur ne perd pas de temps, au point qu'il m'a parfois été difficile de suivre. Les délires paranoïaques de Edward Dunford n'aident pas mais c'est la façon d'écrire de Peace et tout compte fait c'est très bien.

Faut juste ne pas être dépressif pour lire 1974. Il me faudra un petit temps et quelques "légèretés" à lire avant de passer au suivant de ce Quatuor du Yorkshire, "1977".
La fin est tout aussi violente et angoissante et je ne suis pas déçue d'avoir eût le courage de dépasser mes à-priori.
Si vous savez, vous aussi aller au delà de vos premières impressions, allez-y, lisez ce livre !
Fabe

Je m’arrêtai vite sur le bas-côté, feux de détresse allumés, pensant : toute cette putain de ville de Leeds doit voir ça.
Je saisis mon bloc et me précipitai hors de la voiture, escaladai le talus qui bordait l’autoroute, rampai, dans la boue et parmi les buissons, en direction des flammes et du bruit ; le bruit : moteurs emballés et martèlement tonitruant, incessant, monotone, du battement de la mesure du temps.
Au sommet du talus de l’autoroute, je me dressai sur les coudes et, à plat ventre, fixai l’enfer. En bas, dans la cuvette de Hunslet Carr, à cinq cents mètres de moi, se trouvait mon Angleterre, au matin du dimanche 15 décembre de l’an de grâce 1974, apparemment rajeunie de mille ans, mais pas meilleure pour autant.
Un campement gitan en feu, la vingtaine de caravanes et de camping-cars en flammes, tous irrécupérables ; le campement gitan de Hunslet, que je voyais du coin de l’œil chaque fois que j’allais au travail, à présent une immense cuvette de feu et de haine.